Surprenante Galice!
Nous avions prévu d'y passer une semaine, voilà plus de deux semaines que nous y sommes. De la Galice, nous n'en attendions pas tant. Pour nous, c'était presque “l'escale-boulet”, le passage obligé à la sortie du Golfe de Gascogne que nous comptions expédier pour arriver directement au Portugal. Le plan, c'était de reprendre des forces à la Corogne, passer par Baiona, puis tracer vers Porto. Quelle n'a pas été notre surprise en arrivant dans cette région souvent décrite comme la Bretagne d'Espagne! Les 1300km de côtes atlantiques sont aussi bien magnifiques que d'une richesse patrimoniale et gustative certaine, d'ailleurs très différentes du Finistère ou du Morbihan…
Qui dit Galice dit “Rias”, ces longs bras de mer qui s'enfoncent dans la terre. A la voile, on passe ainsi de Ria en Ria, en distinguant bien les Rias Altas, situées avant le Cap Finistère, plus escarpées, des Rias Bajas, au sud du-même cap, invitant davantage à la détente et au farniente. Les Rias, ce sont d'immenses baies abritant d'impressionnantes forêts de pins et d'eucalyptus, de longues plages de sable blanc, des falaises à pic, des châteaux forts et une multitude d'églises romanes et gothiques, des villages pittoresques et des villes d'une densité plus importante.
La Galice, c'est aussi le galicien, une langue régionale qui rappelle le basque tant les x sont omniprésents (Rias Baixas…), une région où la pêche occupe une forte place dans l'activité économique - les tapas sont essentiellement constitués de “mariscos” - , tout comme l'élevage, l'exploitation forestière, l'industrie automobile et le textile sont source de dynamisme local.
Assez parlé…place au “roman-photos", un format que nous souhaitons partager avec vous pour vous donner un aperçu de notre séjour!
Roman-photos
Cedeira la splendide
A l'arrivée du Golfe de Gascogne, nous cherchons un abri pour ne pas arriver de nuit à la Corogne…et voilà que nous débarquons dans cette baie qui nous paraît bien protégée: Cedeira. Ce qui surprend le plus en arrivant: c'est cette odeur persistante, presque enivrante, d'eucalyptus. Des forêts à perte de vue s'étalent sur des monts vallonnés: c'est un plaisir pour les yeux et nos narines après trois jours à ne voir “que” du bleu. Au mouillage, nous remarquons quelques autres bateaux de voyage. Français, Anglais, Danois, Américains, Suédois. Nous ne sommes pas les seuls à apprécier l'escale, bien qu'il n'y ait pas grand monde sur l'eau.
A l'ombre des arbres, le long du fleuve, nous dégotons une agréable “taberna” dans laquelle nous commandons quelques fruits de mer, sans trop savoir lesquels. Depuis, nous peaufinons notre vocabulaire espagnol des “mariscos”. Souvent préparés à la plancha, ils sont délicieusement assaisonnés. La spécialité du coin à ne pas louper: pulpo a feira (poule à la galicienne)!
L'arrivée dans la baie à la voile nous permet de repérer ces charmants escaliers qui mènent à une plage à l'abri des regards, dont l'eau cristalline ne peut qu'inviter à se baigner…en dépit de sa fraîcheur!
Randonnée vers une jolie chapelle (Ermida de Santo Antonia de Corveiro), offrant un agréable point de vue sur l'océan, le tout à moins d'une heure à pied du centre-ville.
Au coucher de soleil, les lumières sont saisissantes…
Après une nuit reposante, nous repartons de Cedeira direction la Corogne: ça souffle! Les effets de site (changement en force et en direction du vent et du courant en fonction du relief et de la nature des sols) sont légion dans les Rias!
1ère nav' en short - débardeur: ça fait du bien de se sentir “dans le sud”!
Le Cabo Finisterre, digne d'un coup de vent en Méditerranée
Après un bref arrêt à la Corogne, essentiellement pour couper la route et prendre une “vraie” douche, nous ne traînons pas et passons le Cap Finisterre. Un coup de vent est attendu pendant deux jours. Derrière la pointe, nous sommes censés être protégés. Enfin ça, c'est en théorie…
Nous passons une nuit au mouillage, puis nous appontons à Fisterra. Il y a déjà 25 noeuds établis (même si on se croirait plutôt sur un lac suisse à la vue des photos…), le vent ne devrait pas forcir davantage. C'était sans compter le caractère “méditerranéen” du coin: quand 30 noeuds sont annoncés, il y en a plutôt 50! Le guide Imray qualifiait le ponton “d'inconfortable” par vent de Nord-Nord-Est. Il en est surtout dangereux! D'immenses vagues sont venues s'écraser sur le ponton, le rendant glissant et peu praticable. Nous n'avons pas pu retourner dans le bateau (sauf pour prendre nos passeports, au cas-où! …) pour la nuit, tant Amorgos se faisait malmener. Nous avons doublé, triplé, quadruplé, quintuplé…les amarres en espérant que le bateau reste solidement amarré. Dans la bataille, nous avons perdu 5 amarres dont 2 neuves et 1 amarre tempête. Gloups. Cela nous a permis d'improviser une nuit à l'hôtel et une bonne douche, que nous avons bien rentabilisée. Ok, c'est enregistré, quand un “petit coup de vent” sera annoncé, nous chercherons un vrai abri!
Fisterra, village de pêcheurs, charmant au demeurant
Pour avoir un instant de calme sans vent dans les oreilles, nous dénichons un café-librairie dans lequel les pèlerins du chemin de St Jacques laissent souvenirs de leur marche et drapeaux de leur pays. Nous, on prend de nouvelles habitudes: un “pan con tomate” pour le petit-déj, et ça repart!
Le phare du Cabo Finisterre, sur son promontoire de granite qui tombe à pic dans l'océan. Ce n'est pas pour rien que ce coin est baptisé “la côte de la Mort”…
Le phare du Cap Finisterre est le kilomètre 0 du chemin de Saint-Jacques de Compostelle, haut -lieu de pèlerinage de la chrétienté avec Rome et Jérusalem. Les reliques de Saint-Jacques le Majeur , l'un des douze apôtres, auraient atterri sur cette côte suite à sa décapitation par Hérode Agrippa...Les disciples de Jacques Le Majeur placèrent la dépouille dans une barque, qui aurait atterri en Galice, à Padron, pour être ensuite enterrée dans un cimetière. En 813, L'ermite Pélage aurait été guidé par une étoile jusqu'à la sépulture, appelée dès lors “campus stellae” (champ de l'étoile), ce qui aurait donné “Compostelle”.
Non, ce ne sont pas des doigts de dinosaures. J'en doutais au début, mais les “percebes” (pousse-pieds) sont des fruits de mer certes peu ragoûtants de prime abord, néanmoins délicieux quand on leur retire leur enveloppe brûnatre fripée.
Au bout de deux jours, nous profitons d'une accalmie passagère pour tenter un désamarrage du bateau, et prendre la poudre d'escampette. D'abord, nous nous mettons face au vent, amarrés au ponton avec deux pointes avant, afin de vérifier que nous parvenons à étaler le courant. Ensuite, nous larguons tout, et c'est parti pour une nav' sous Solent seul jusqu'à Muros, là aussi théoriquement un peu plus abritée que le Cap Finisterre… Nous avions tablé sur 3 heures, nous en avons mis 5. Si nous avancions à 7,5 noeuds avec la seule voile d'avant, entrer dans la baie de Muros sans GV, avec 40 noeuds de vent au bon-plein était impossible: nous avons peiné à étaler le courant avec le moteur (1 noeud à 3000 tours!) et sommes finalement arrivés dans un mouillage quelque peu rouleur à 23h30.
Muros, enfin la “dolce vita”
Le lendemain, nous nous appontons à Muros. Quel n'est pas notre soulagement en arrivant sur de “vrais pontons”, bien protégés, aidés par le charmant maître de port Pedro! Nous passons ainsi des Rias altas aux Rias bajas, le paysage change: moins de falaises, un vent plus chaud, davantage de plages…de quoi reprendre quelques forces après un Gascogne et les 3 jours de tempête à Fisterra! Nous sommes surpris du peu de monde dans les ports: il y a quelques bateaux de voyage, mais toujours beaucoup de places disponibles. Cela nous change de l'Angleterre! Paraît-il aussi que la voile est un sport beaucoup moins démocratisé qu'en France.
Muros, connue pour ses devantures blanches et ses arcades. Tout est simple et facile ici: il y a un marché deux jours par semaine, où les commerçants se battent pour nous expliquer comment griller le poisson et préparer les calamars à la plancha, deux boulangeries à moins de 2 minutes du bateau, la laverie tout près. On peut se dégourdir les jambes lors d'un jogging matinal et étendre un tapis de yoga sur le ponton…bref, on profite, on se pose, ça fait du bien. On s'étonne, aussi, en allant sur les marchés : les commerçants ont l'air d'avoir cultivé tomates et oignons dans leur jardin. On est loin des productions bien calibrées destinées à l'export! Tout comme l'omniprésence des sacs plastiques nous décourage quelque peu de prendre nos sacs Carrefour…systématiquement, ce sont 1, 2 voire 3 sacs plastiques dans lesquels sont emballés chaque produit. C'est un réflexe, y compris dans les supermarchés, où il faut enfiler un gant jetable pour faire ses courses, Corona oblige. Le plastique, c'est fantastique ! (Ou pas).
Nous nous détendons dans des bars à tapas où nous sommes merveilleusement reçus: calamars, pimientos padron, croquetas, tortilla….on apprécie la quiétude du village et la gentillesse de toutes les personnes que nous croisons.
La capilla de San Roque, qui offre une jolie perspective sur la baie
Typiques de Galice , ces étranges constructions ne sont pas des cimetières, mais des “horréos”, greniers agricoles servant à stocker les céréales après la récolte Muros est aussi une étape importante: l'inauguration du barbecue à gaz!
Maintenant que le barbecue est lancé, il n'y a plus qu'à pêcher! Les navigations tranquilles des jours prochains s'y prêteront bien, même si nous n'avons attrapé qu'un pauvre maquereau, que nous avons décidé de relâcher tant il n'était pas épais…
Les îles Ciès, un paradis naturel à l'équilibre fragile
De Muros, nous visons une arrivée à Baiona dans la journée. En nous penchant sur la carte, nous découvrons des îles, apparemment sauvages et préservées. Un permis de naviguer ET un permis de mouiller sont obligatoires pour y accéder! S'il faut normalement remplir un questionnaire quelques jours avant d'y accoster, nous appelons directement le gardien de l'île qui nous accorde un laisser-passer. Les îles Ciès - baptisées “îles des dieux” par les Romains - sont un petit paradis espagnol, à l'écosystème fragile. Réserve naturelle depuis 1980, elle fait partie du Parc National des Îles Atlantiques de Galice depuis 2002, et a même postulé auprès de l'UNESCO pour faire partie du patrimoine mondial de l'humanité! Sa végétation y est riche - pins, eucalyptus, herbes aromatiques, maquis de fougères colonisent l'île - tout comme de nombreuses espèces d'oiseaux viennent s'y nicher. Les îles Ciès sont composées de 3 îles, dont deux sont reliées par une plage en croissant de lune, élue “meilleure plage du monde” par The Guardian en 2007. C'est dire… La plus grande colonie au monde de goélands leucophée y a élu domicile, tout comme cormorans huppés, fous de bassan et puffins, y trouvent refuge. Si les îles Ciès sont un havre de paix, elles souffrent de leur situation géographique et de leur trop grande proximité avec la baie industrielle de Vigo (industrie, pêche). Elles sont situées sur la route des pétroliers et sont souvent victimes des accidents maritimes générés par les fortes conditions météo, tout comme des tankers peu précautionneux n'hésitent pas à laver leurs réservoirs dans l'archipel…
Trois habitants vivent là à l'année: ce sont les 3 gardiens du phare. L'été, un camping “à la boyscout” (que des tentes canadiennes) accueillent les jeunes et moins jeunes qui viennent profiter des plages et des sentiers de randonnée de l'île.
Le bar du camping offre une belle vue!
Nous profitons de l'un des quatre sentiers de randonnée balisés pour faire “un câlin à un arbre”. Si on en voit certains lever un sourcil circonspect face à cette idée saugrenue, le “tree-hugging” ou sylvothérapie est une thérapie douce reconnue comme bienfaisante dans de nombreux pays: paraît-il que l'arbre nous transmettrait sa force et son énergie. Après avoir vérifié au préalable qu'il n'y avait pas trop de fourmis et fait abstraction du ridicule de la situation, on l'a fait… Sauf que pour que ça ait un effet, il faut câliner l'arbre pendant 10 min. Ok, on va recommencer, et pleinement assumer.
Kévin, lui, y va franco sur le câlin.
Un des “spots d'amoureux” pour admirer le coucher de soleil à travers un rocher.
Et le matin, quel bonheur….une session de paddle en pyjama pour admirer le lever du soleil. What else? Baïona, la médiévale
Proches des îles Ciès se trouve Baiona, dont on nous avait vanté l'escale! Baiona est le premier port d'Europe à avoir appris la découverte de l'Amérique, avec l'arrivée de la caravelle La Pinta dans la ville. Commandée par Martin Alonso Pinzon et faisant partie de l'expédition Christophe Colomb, elle débarqua à Baïona le 1er mars 1493, tandis que la Nina de Christophe arriva trois jours après dans le port de Lisbonne. Dire qu'ils croyaient avoir parcouru la route des Indes... Une reproduction à l'identique de la caravelle est visible sur le port. Non seulement elle se visite, mais en plus elle reprend la mer tous les ans pour “La Fiesta de la Arribada”, fête folklo pendant laquelle la population locale commémore l'arrivée du bateau.
Nous nous sommes fait chics (du moins plus que d'habitude) pour nous rendre au Real Club Nautico de Vigo…tout ça pour se faire refouler à l'entrée car nous n'étions pas membres du club! Tant pis…la ville regorge de tabernas plus alléchantes les unes que les autres. Et hop, une autre fournée de mariscos et de tortilla pour nous consoler!
La promenade autour du château médiéval de Monterreal (XVIème siècle) est très agréable. Au loin, nous distinguons les îles Ciès Vigo, une ville industrielle
Nous le constatons depuis Port-La-Forêt: notre moteur vibre de façon anormale. Tout a commencé avec un cliquetis. Puis, en vitesse ralentie, un bruit criard s'est mis à déchirer nos oreilles. Après avoir testé plusieurs alignements de l'arbre d'hélice avec avec l'arbre de l'inverseur, nous avons capitulé…il nous faut un pro. Direction Vigo, réputée pour ses bons services auprès des plaisanciers. Nous y sommes allés la tête basse, peu contents de cette escale “forcée”, mais soulagés de prendre le problème à bras le corps. Vigo est une ville industrielle, dont l'activité est tournée vers la pêche ,la conserverie, la construction navale, le textile (Zara est un empire ici!) et le commerce. Nous apercevons de la mer la zone franche sur laquelle est implantée l'usine PSA-Peugeot-Citroën depuis 1956, attirant de nombreux fournisseurs dans la région. Plus de 17% des automobiles fabriquées en Espagne le sont en Galice! En arrivant, la baie paraît défigurée par tout cette activité économique, mais nous trouvons une agréable place dans une marina éloignée du centre-ville, au pied d'une colline.
Marina Punto Lagoa, beaucoup moins chère que la Marina Real du centre-ville, est un lieu de quiétude au pied d'une colline. C'est emplacement idéal quand on n'est pas fan de grandes villes et qu'on recherche avant tout le calme et la nature.
Et c'est parti pour un examen approfondi du moteur avec un mécano. Résultat des courses: les 4 silent blocs sur lesquels le moteur est posé sont morts. Le mécano nous trouve les pièces dans la journée (!), les change, mais la vribration persiste. Un spécialiste des pompes à injection se mêle du problème: au final, tout va bien! Notre moteur est un 3 cylindres, il est normal qu'il vibre en vitesse ralentie. En 3 jours, le problème est réglé! Réactifs et efficaces, les Espagnols!
A La Corogne, Kévin a démonté la colonne sur laquelle est fixée le compas de route, pour vérifier l'état de la chaîne de barre. Judicieuse idée, celle-ci présentait plusieurs signes de faiblesse… Cette tache lui a paru facile à côté du capricieux moteur! Une chaîne de moto à la bonne dimension et hop, le tour est (presque) joué! Bravo!
Les côtes de Vigo sont pentues, par définition…elles ont été une excellente occasion de dégourdir les pédales de nos vélos pliants! Nous voilà accoudés sur Jules Verne, connu pour avoir consacré dans “20 000 lieues sous les mers” tout un paragraphe à la ville de Vigo. Au final, nous apprécions cette pause, pendant laquelle nous créons quelques habitudes de quartier (marché, café, pain…) et trions quelques photos tout en préparant la suite du voyage. Une sélection de photos d'Angleterre et de Galice est à venir!
Après 3 jours à bichonner le moteur avec l'aide de mécano, victoire! Nous trinquons avec François et Caroline, nos voisins de ponton qui ont eu un tel coup de coeur pour la Galice qu'ils ont choisi Vigo pour y laisser leur bateau à l'année! Nous avons passé d'agréables moments en leur compagnie, et après 3 jours, nous étions tristes de les quitter. A bientôt sur les pontons de La Trinité!
Nous quittons la Galice aujourd'hui pour aller à Porto, en prenant garde aux attaques d'orques recensées en Espagne ! Les scientifiques planchent sur le sujet, afin de comprendre pourquoi les cétacés s'en prennent aux voiliers, au point de leur arracher le safran voire de blesser l'équipage…
Nous serons vigilants.
Merci pour votre attention, à bientôt du Portougal!