Un archipel enchanteur
Ah, les Açores…rien que d'y penser, une bouffée de nostalgie nous envahit.
Cet archipel de 9 îles sous drapeau portugais est un paradis pour les amateurs de nature et de grands espaces. Tout comme le Portugal et Madère, les Açores font partie des destinations ibériques “coup de coeur” de l'année: il y règne une douceur de vivre, une ruralité vivante et un raffinement exceptionnels.
La qualité des fromages locaux, de la viande de boeuf produite sur place (les vaches y sont très heureuses paraît-il) et des vins issus de terres volcaniques de l'île de Pico en font une destination idéale pour les fins gourmets.
Après trois mois passés sous les tropiques, l'arrivée sous des latitudes plus frisquettes est la bienvenue: nous retrouvons le plaisir de nuits plus fraîches, et découvrons émerveillés une végétation splendide. Hybride, la flore est à la croisée des chemins entre les Antilles et l'Atlantique. À notre arrivée, les hortensias commencent à fleurir, de quoi nous donner le sentiment d'être de retour sur les côtes bretonnes! Vous l'aurez compris: le passage par les Açores est la transition rêvée pour se préparer à revenir vers nos côtes françaises, tout en conservant cet esprit de découverte curieux et enthousiaste.
La richesse des Açores est telle qu'aucun sentiment de lassitude ne s'empare de nous tout au long de cette escale: après 10 mois de découverte à en prendre plein la vue, il est encore possible de tomber sous le charme de ces îles discrètes et peu connues. Dynamisés par la beauté des villages traversés, la spécificité des paysages volcaniques, le charme des plus grandes villes et l'accueil des habitants, nous avons beaucoup de mal à ne pas décaler notre retour…Les Açores nourrissent l'élan du voyageur par la contemplation de ses paysages grandioses.
Enchaînement de cratères verdoyants à perte de vue, descentes escarpées vers des plages de sable noir, pâturages généreux, piscines naturelles, falaises à pic, il est bon de prendre le temps de visiter chaque île et de ne pas trop courir pour chercher à tout voir.
Par manque de temps, nous nous sommes “seulement” arrêtés dans les îles centrales: Faial deux semaines, São Jorge une semaine et Terceira une nuit, pour découvrir sa sublime ville “Angra do Heroismo”.
Horta, le QG des marins
Après plusieurs semaines en mer, refaire le plein de nourriture, d'eau et de sommeil s'impose: la situation des Açores sur un parcours transatlantique est idéale pour cela.
Qui arrive des Açores de la mer se rend en général sur l'île de Faial, dans le port d'Horta.
Horta est une petite ville charmante, escale incontournable des marins de passage. Elle draine tous les voiliers en provenance de l'Amérique et des Antilles, et même au-delà…Quand on rencontre des équipages en provenance directe du Chili (53 jours de mer!) ou de Sainte-Hélène, on se dit que notre tableau de chasse de marins est encore relativement vierge!
Le Café Peter Sport et son industrie
À peine le pied posé par terre, direction le café Peter Sport: le mythique bar des navigateurs! Des générations de marins, plaisanciers et coureurs au large, s'y succèdent pour trinquer à leur navigation et y laisser un drapeau, un autocollant, des photos de leur passage. Un Gin do Mar (gin de maracuja) plus tard, puis deux, puis trois, et vous voilà dans l'ambiance conviviale et chaleureuse de ce bar familial. Sans compter sur ses fondateurs et successeurs qui ont su développer un business florissant, fait de goodies autour de la baleine bleue, du cachalot, et de sculptures réalisées à partir d'ossements du temps où ces pauvres bêtes étaient chassées par les hommes.
Laisser sa trace
Une fois qu'on a pris une bonne bière chez Peter, un deuxième rituel prend la relève: peindre ses couleurs sur l'un des murs du port ou de la digue. Vous le savez, les marins sont superstitieux et s'adonnent avec joie à toute tradition supposée éloigner les foudres de Poséidon…
Nous nous plions à l'exercice avec joie, et élisons domicile à côté du logo des anciens propriétaires du bateau, partis en 2016-2017 pour une boucle Atlantique. Une fois la peinture achetée, c'est parti pour le nettoyage de la surface d'un vieux logo délavé de 2004…, la peinture en blanc, le dessin au crayon à papier, la peinture d'une couche, puis deux.
La baie tranquille de Porto Pim
Horta est une ville agréable à vivre, très bien entretenue et aménagée. Des barbecues publics approvisionnés en bois ou des sièges pour admirer la vue sont à disposition des passants, c'est très plaisant! Les façades blanches ornés de pierre de lave des bâtiments principaux et les maisons colorées dégagent une impression de quiétude et de propreté.
À cinq minutes du centre se situe la baie de Porto Pim. C'est un bon spot pour prendre petits déjeuners et verres au soleil couchant.
Une jolie côte…polluée par le plastique
La baie de Porto Pim, comme tant d'autres plages des Açores, est magnifique, mais a pour désavantage de se trouver sur la route de courants marins. Quand on sait qu'en 2050 il y aura plus de plastique dans la mer que de poissons, on se dit qu'il est temps d'agir. De manière préventive avant tout, en sortant de nos habitudes de production et de consommation l'utilisation de plastiques à usage unique, et curative aussi, en nettoyant ce qui est déjà inondé de plastique.
Nous répondons présent à l'appel de nos copains les Arvik, qui sillonnent le globe pour sensibiliser à la réduction des déchets et observer les cétacés.
L'objectif ? Nettoyer ensemble une plage particulièrement inondée de déchets en tous genres. Le nettoyage de plage s'organise en 3 temps:
- le ramassage des déchets et la collecte dans de grands sacs, ou à la main quand il s'agit de grosses pièces. En 1h30 à dix, nous collectons une vingtaine de sacs en toile.
- le tri, par catégorie
- le comptage
Ces deux dernières phases sont les plus chronophages et fastidieuses, mais efficacement menées par un travail d'équipe! L'idée est de remonter les données de la collecte à Surfrider Foundation, cette super asso qui agit pour la protection des océans. En triant par catégorie les principaux déchets aquatiques retrouvés, le nettoyage de plage alimente une base de données européennes, constituant un puissant argumentaire factuel pour faire pression sur les décideurs politiques et les industriels.
São Jorge, l'île aux verts pâturages
Après une dizaine de jours passés à Horta, nous retrouvons la joie de mettre les voiles pour quelques heures (et non trois semaines!), afin de nous rendre sur l'île de São Jorge. Cette île de verts pâturages est connue pour sa production de fromage et de lait.
Les Açores fournissent 30% de la production laitière du Portugal, il est donc normal de croiser le chemin de nombreuses vaches laitières, omniprésentes sur l'île tout en jouissant de grandes prairies rien que pour elles.
Direction le petit port de Velas, où le chant des puffins cendrés animent nos nuits de leurs cris dignes d'un film de Hitchcock. La charmante marina accueille une quinzaine de bateaux. Loin du tumulte de Horta, nous renouons avec le calme et le repos, et finissons par passer une semaine sur cette île regorgeant de randonnées sur de jolis chemins de pierre.
Les baleines
L'approche à la voile des Açores nous donne un avant-goût de la présence massive de baleines dans la région. Si les cétacés sont légion aux Açores, ce n'est pas (uniquement) parce-qu'elles sont friandes des paysages somptueux de l'archipel . Les espèces résidentes ou migratrices, communes ou rares, apprécient la forte concentration en poisson de ces eaux généreuses.
Traditionnellement, la chasse à la baleine est une activité source de développement pour les habitants des Açores, depuis son introduction par les Yankees au XIXème siècle. En tuant au harpon un cachalot d'une baleinière (le cachalot se déplace très lentement et ne coule pas quand il meurt…), les chasseurs assurent l'approvisionnement de l'île en huile et l'exportation de cette dernière. A l'époque, l'huile sert essentiellement à l'éclairage, aux machines industrielles et aux instruments. Les baleines permettent également à produire savon, parfums, cosmétiques et farines.
En nous rendant au musée de la baleine de Horta, nous apprenons avec soulagement que depuis 1984, la chasse à la baleine est interdite. Celle-ci est non seulement violente à regarder mais est aussi à l'origine de l'extinction d'une espèce fragile dont la population peine à se reconstituer. La gestation de la femelle dure jusqu'à 15 mois. Elle donne naissance environ tous les 5 ans. Seuls trois cachalots ont été tués en 1987, pour récupérer leurs dents à des fins d'artisanat (le fameux “scrimshaw”, soit les os de baleine sculptés en pendentifs, bagues, porte-clés, bibelots…). C'est joli, mais nous avons résisté à la tentation d'en acheter.
Durant cette année, nous en avons appris beaucoup sur les cétacés, baleines comme dauphins. Les baleines sont notamment des mammifères gigantesques, majestueux, dotés de comportements sociaux étonnants, même attachants.
Pour continuer à nous documenter sur le sujet, en complément des observations de baleines faites sur Amorgos lorsque ces mastodontes nous offrent une visite surprise, nous testons l'activité phare des Açores: le Whale watching. Les observateurs, qui faisaient avant la veille pour chasser la baleine, se sont transformés en vigies afin d'informer les professionnels de whale watching de la présence d'individus à certains endroits de l'archipel. Lorsque nous nous sommes inscrits, la présence d'une “petite baleine bleue" (cela dit, le plus grand mammifère marin) est signalée au large de Pico. Go c'est parti, on fonce en Zodiac sur les traces de ce pauvre animal.
Cela dit…l'expérience est intéressante mais nous préférons bien largement profiter de la visite inopinée de cétacés lorsque ces derniers le souhaitent.
Aux Açores, nous avons fait de jolies rencontres sur Amorgos:
Açores-Bretagne: last but not least!
Après trois semaines à profiter des Açores entre Faial et Sao Jorge, l'heure de rentrer en France a sonné. Nous tenons à nous arrêter une journée dans la ville d'Angra do Heroismo, sur l'île de Terceira, tant sa beauté est réputée. Les 75 milles qui la séparent de Faial sont avalés en une grosse journée de navigation, et nous passons 24h dans cette ville, à admirer son architecture et ses magnifiques points de vue.
Le lendemain, nous nous levons à l'aube pour prendre le temps d'un dernier jogging avant d'embarquer pour une dizaine de jours en mer. Dix jours, c'est moins long que la transat retour (proche de 19 jours) mais tout de même conséquent. Plus de 1400 milles nous attendent.
La météo semble propice à notre traversée: nous partons vent portant des Açores pendant cinq-six jours, puis traversons une dorsale anticyclonique (sans vent), pour ensuite remonter vers la Bretagne au bon plein.
Les premiers jours se déroulent à merveille: le bateau file à 7-8 noeuds au portant. En nous relayant toutes les 3 heures, nous retrouvons le rythme de quart habituel en grande traversée. Au bout de quelques jours, nous allumons le moteur pour traverser (péniblement) au moteur la dorsale en moins de 24h.
En nous dégageant de la dorsale, nous nous retrouvons à la latitude du Nord de l'Espagne, un peu à l'extérieur du Golfe de Gascogne. Nous nous sentons presque “arrivés”, tant les premiers jours se sont bien passés. C'est sans compter la pénibilité de remonter au près serré jusqu'à notre objectif... si bien que pendant trois jours, nous avons l'impression d'être scotchés à 300 milles de la Bretagne sans progression visible en journée.
Lourdauds que nous sommes du fait de l'excès de matériel et de souvenirs embarqués, nous plantons des pieux à chaque fois que nous passons une vague. Au mieux, le bateau ralentit à 3,5 noeuds, au pire, il s'arrête…Nous nous relayons jour et nuit à la barre pour mieux négocier les vagues. Peu à peu, nous gagnons du terrain et arrivons enfin à la latitude de Bordeaux. Harassés par une sourde fatigue engrangée pendant la nuit, un sentiment de révolte s'élève lorsque la Marine Nationale Française nous survole pour nous dérouter vers le sud, pour cause de tirs de missile sur une large zone d'intervention. Un AVURNAV (Avis Urgent aux Navigateurs) est publié pour l'occasion, mais étant au large et en eaux internationales, nous n'en avons pas connaissance.
Nous sommes bien peu de choses face à l'Armée, aux 4 bâtiments militaires mobilisés et à l'avion qui nous survole de bien près pour communiquer avec nous par VHF, et obtempérons la mort dans l'âme pour nous rediriger vers l'Espagne au portant. Après 4 heures plein sud, nous sommes autorisés à reprendre cap au nord, et regagnons peu à peu du terrain, au prix d'un saut de haie à chaque vague passée. Les derniers jours sont difficiles, épuisants pour le corps et l'esprit, désespérants parfois, et se soldent heureusement par une excellente dernière journée de remontée au bon plein sur une mer bien lisse. Notre dernière journée à bord d'Amorgos dans le cadre de ce voyage se déroule parfaitement. Le bateau glisse sur un tapis roulant, nous nous laissons porter jusqu'à l'arrivée.
Nous arrivons à marée basse et décidons de passer la nuit dans la baie de Port-La-Forêt pour éviter de talonner à l'entrée de Port La Forêt, nous remettre de nos émotions à bord et profiter d'une dernière nuit sur l'eau.
Quant à l'arrivée, elle fut chargée en émotions après un an sans avoir serré nos parents dans nos bras:
À bientôt pour le dernier article “Bilan” de cette année riche et mouvementée!