Changement de décor…
Il y a presque deux semaines maintenant, nous hissions le drapeau portugais sur notre hauban tribord, celui dédié aux pavillons de courtoisie. C'est toujours une joie d'arborer de nouvelles couleurs et de franchir une frontière par la mer. Cela signifie que l'on avance! Et quand on regarde dans le rétroviseur le chemin parcouru, on commence à se dire qu'on a déjà fait un joli bout de chemin!
L'arrivée au Portugal va de pair avec une évolution de la zone de navigation: après les rias espagnoles et leurs innombrables mouillages, place à…une côte rectiligne de sable blanc. Autant la Galice est propice à la plaisance, autant le Portugal y est moins favorable: quelques marinas jalonnent la côte tous les 30 ou 50 milles, mais aucun abri naturel n'est disponible. En d'autres termes, bye-bye les mouillages et les jolies criques, bonjour les pontons. Cela représente un manque de liberté car nous ne pouvons jeter l'ancre…ce qui a un impact direct sur notre budget mensuel. Cela dit, nous nous adaptons et y trouvons notre compte, car passer la nuit au ponton signifie aussi avoir accès à l'électricité et l'eau du quai, aux douches du port, être plus stable la nuit, libres de nos allées et venues, débarquer les vélos sans difficultés aucune, etc. La côte portugaise ne semble donc pas présenter d'intérêt particulier pour les plaisanciers, sauf dans le Tage et en Algarve, au sud du pays, sans compter qu'il faut redoubler de vigilance pour éviter les casiers de pêcheurs et leurs filets qui jalonnent la mer sur tout notre trajet jusqu'à Porto.
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Il n'empêche, après 3 jours à Vigo (Galice) à réparer le moteur, nous sommes contents de changer d'air. Avec le Portugal, nous ne sommes pas déçus! Les escales qui nous attendent redoublent d'intérêt. Sans compter qu'on retrouve une certaine liberté respiratoire: contrairement à la Galice, nous ne sommes pas obligés de porter le masque. En effet, le Portugal est bien moins touché par la pandémie que son voisin espagnol, ceci s'expliquant par une arrivée plus tardive du virus - donnant un temps précieux aux autorités pour s'y préparer -, une implication d'emblée des médecins généralistes ainsi qu'un esprit civique inégalé.
Le coût de la vie est également moindre par rapport à l'Espagne, les prix sont quasiment divisés par deux! Cela nous étonne, par rapport à la Galice…d'autant plus que les villes portugaises dans lesquelles nous faisons escale ont l'air davantage aisées: tandis que les ferreterias (quincailleries ou “bazars” dans lesquels on trouvait tout et n'importe quoi) constituaient l'essentiel des boutiques galiciennes, des boutiques spécialisées et soignées égayent les rues portugaises. Nous croisons même quelques concept stores, et ressentons un certain sens du style (et du goût!), qui témoigne d'un esprit raffiné. Cela ne va pas pour nous déplaire!
Nous bénéficions d'un accueil chaleureux de la part des Portugais. L'année passée par Kévin au Brésil lui donne une maîtrise de la langue qui nous aide bien à créer du lien, même si plusieurs personnes nous répondent en français. Le français est parlé par la plupart des anciennes générations, la langue de Molière étant obligatoire dans les écoles jusqu'en 1989! Je suis surprise par les sonorités de la langue, tant par les sons nasaux qui m'évoquent davantage le chinois qu'une langue méditerranéenne, ainsi que par l'écart entre l'écriture et la prononciation. C'est une langue qui semble réserver plein de surprises, et qu'il serait intéressante d'étudier (merci Assimil pour les quelques leçons gratuites que tu rends disponible en ligne!).
Au niveau culinaire, la gastronomie est très diversifiée. En plus des poissons grillés au barbecue, les plats à base de morue (bacalhau) et pastei di nata nous enchantent les papilles. Les vins du Douro sont également excellents - bien que peu connus en France car peu exportés - et nous découvrons le vinho verde, baptisé “vin vert”, en raison de la jeunesse des raisins qui le composent.
Le Portugal, ce sont aussi les Azulejos, carreaux de faïences qui ornent maisons et bâtiments remarquables, et qu'on ne se lasse pas d'admirer. Bienvenue dans notre voyage au Portugal…
Des escales culturelles
Le Portugal nous fait renouer avec la vie citadine. Deux escales mythiques nous attendent: Porto et Lisbonne.
Sur notre chemin, nous faisons aussi halte dans des villes de taille plus modeste mais tout aussi charmantes. Nous retiendrons celles qui nous ont le plus marqués…
Viana do Castelo
C'est depuis le port de Viana do Castelo que partaient les navires colonisateurs prêts à commencer une nouvelle vie à des milliers de km de leurs terres natales. C'était également le port de départ des bateaux utilisés pour la pêche à la morue dans les eaux de Terre-Neuve et de ceux transportant le vin de Porto vers l'Angleterre. Pour couper la route entre la Galice et Porto, nous faisons escale dans cette ville dont nous n'avions jamais entendu parler: charmés, nous goûtons à l'ambiance du Portugal à travers quelques déambulations dans les rues de la vieille ville, où les mamies vendent des sardines sur des étals improvisés…
Afurada (Porto)
La marina de Porto n'est pas à Porto-même, mais à Afurada. Située à l'embouchure du Douro, Afurada est un petit village de pêcheurs populaire, à l'ambiance authentique. Deux ou trois rues remplies de cafés et boutiques qui ne paient pas de mine, des maisons colorées ornées d'azuleros, et le tour est joué.
Si une odeur s'en dégage, c'est bien celle des poissons et fruits de mer qui grillent sur les barbecues des restaurants. Afurada, c'est l'ambiance locale que l'on vient chercher en voyage, et que l'on peine tant à trouver en tant que touriste étranger. Et là, il faut dire que nous avons été servis: le lavoir est un lieu de rencontres pour les femmes de la ville, qui cancanent ensemble tout en lavant leur linge. Leur refus d'une machine à laver est formel, elles préfèrent frotter leur linge ensemble et l'étendre sur l'un des nombreux piquets dressés à la sortie.
Lorsque nous sommes arrivés à Afurada, il pleuvait littéralement des cordes. Dégoulinants, nous nous sommes consolés dans l'un de ces restaurants à la devanture colorée, souvent ornés de motifs religieux, et avons apprécié notre brochette de calamars-gambas et la sèche grillée. Nous en avions bien besoin, car dès qu'il pleut, tout devient humide à bord, et dans ce cas-là, seule une séance de ciné, un bon bouquin sous un plaid et un restaurant animé égayent nos journées.
Nous profitons de la taille humaine du village pour nous créer un rituel matinal bien agréable: prendre le petit-déjeuner en terrasse, comme le font les Portugais. Cela permet à Kévin de déguster son premier pastei di nata de la journée, et moi de découvrir ce qu'est un croissant brioché.
C'est une habitude que nous comptons bien tester à notre retour en France: nous ne prenons pas souvent de café-croissant en terrasse, et constatons que c'est une douce manière de commencer sa journée!
Porto
Si nous sommes déjà allés à Porto avec Kévin, lui dans le cadre d'un EVG et moi pour une semaine de tourisme, nous nous réjouissons d'y retourner…Cette ville est splendide, à taille humaine et chaleureuse. On ne peut y séjourner sans tomber sous son charme.
Porto se situe au nord du fleuve Douro, et est relié à Vila Nova de Gaïa par le mythique pont en fer Luis 1er, construit par un des disciples de Gustave Eiffel. Pour admirer la ville de Porto, rien de tel que de se poser dans un des nombreux cafés en terrasse de Gaïa. De là, on peut admirer le dédale de maisons colorées, ainsi que les rabelos, ces bateaux traditionnels qui permettaient de transporter en barriques les vins de Porto des terres jusqu'aux caves de Gaïa.
Impossible de visiter Porto sans faire une dégustation du vin de porto, exercice pénible auquel nous nous sommes pliés. Toutes les caves du vin de Porto sont situées à Gaïa. Il est surprenant de constater que les noms de caves ont une consonnance plus anglosaxonne que portugaise: Taylor's, Graham's, Churchill's, Sendeman…Cela est dû aux droits de douane privilégiés offerts aux vins du Portugal par les Britanniques, qui se refusaient à consommer français au XVIIIème siècle. En échange, les Anglais prirent le contrôle des maisons de Porto…ceci expliquant cela.
Aujourd'hui, plus de 80% des bouteilles de Porto sont destinées à l'export.
La nuitée dans la Marina comprenait une dégustation chez Churchill's, l'une des plus récentes maisons de Porto fondée par un anglo-portugais, qui n'a rien à voir avec Winston. Lors de la visite, nous en avons appris un sacré rayon sur la fabrique de Porto: c'est en 1756 le 1er AOC du monde, l'ajout d'eau de vie fait la spécificité du Porto par rapport à du vin, il existe différents types de Porto (blanc, tawny, rubys pour les couleurs, Vintage, Late Bottle Vintage (LBV) pour les millésimes…), connaissances aussitôt évaporées dans l'alcool car, on le sait bien: l'expérience a tout autant de poids que le savoir livresque.
La jeune personne qui nous a offert la dégustation s'est montrée fort généreuse, en nous proposant une fine sélection de vins du Douro - au passage excellents, essentiellement destinés à la consommation nationale - ainsi que quelques verres de Porto aux robes et à la qualité remarquables.
Ceci nous a donné quelques idées, car nous avons failli céder à des miaulements persistants pendant la dégustation: la cave avait bien recueilli 2 chatons à peine nés, et leur cherchait une bonne âme pour s'occuper d'eux. Le vin réchauffant les coeurs et les âmes, nous étions sur le point de céder.
Heureusement, dans un éclair de lucidité, il nous a paru plus sage de laisser passer la nuit pour réfléchir. Et de nous renseigner sur ce que veut dire “chaton non sevré”. Finalement, nous avons renoncé, le chaton étant trop jeune pour évoluer sur un bateau. C'est dommage, le chaton aux pattes blanches avait un nom tout trouvé: Churchill. Et le fond du problème, est aussi que je suis allergique aux poils de chat. On a fait le bon choix, je crois…
Le lendemain, nous avons repris nos déambulations dans la ville et avons visité les monuments et rues les plus remarquables.
Nazaré: notre escale coup de coeur!
Vous connaissez Garrett McNamara?
Nous oui, depuis que nous sommes passés par Nazaré. Ce mec a surfé la plus grande vague du monde en 2013, haute de plus de 30 mètres…
Plongeons-nous dans l'ambiance:
Nous, ça nous donne des frissons. La raison pour laquelle de hautes vagues se forment dans cette partie de la côte est le modelé du fond de l'océan, appelé le Canyon de Nazaré. Nazaré est donc le spot de surf européen le plus réputé, quand la saison bat son plein entre octobre et mars.
En plus de ce fait d'arme, nous avons découvert une station balnéaire ravissante, dans laquelle il fait bon vivre pour quelques jours de repos. L'originalité de la ville tient à son double niveau: elle est scindée en deux par une falaise, que l'on peut atteindre grâce à un funiculaire. Les ambiances des deux quartiers sont charmantes, et les innombrables ruelles recèlent de cafés, restaurants, boutiques et marchés typiques, bien que parfois assez touristiques. Nous pouvons le dire: nous nous sommes vraiment sentis en “vacances” à Nazaré!
Et le bateau, dans tout ça?
Nous profitons des alizés portugais pour descendre le long des côtes, bien que la météo soit parfois surprenante. Nous traversons des grains orageux sans que le vent forcisse, et c'est tant mieux. La côte devient plus intéressante à l'approche de Lisbonne, escale que nous vous raconterons dans notre prochain post, car nous ne voudrions pas abuser du temps que vous consacrez à nous lire pendant votre journée de télétravail ;)
Ne vous inquiétez pas: les travaux continuent car en fait…c'est le principe d'un voyage en bateau. Nous l'acceptons progressivement et continuons à entretenir Amorgos, bien éprouvé par cette année de navigation.
Nous sommes à Lisbonne jusqu'à la semaine prochaine, où nous attendons une bonne fenêtre météo pour traverser jusqu'à Madère. Finalement, nous avons décidé de ne pas aller en Algarve, au sud du Portugal, pour privilégier “l'esprit des îles” que nous venons chercher au cours de cette année. Nous avons envie d'être davantage immergés dans la nature, et sommes impatients d'aller randonner dans la verdoyante île de Madère. Pour nous, le voyage “tel que nous l'avons imaginé” débutera réellement dans les îles, où nous pourrons nous adonner aux sports nautiques et à de plus longues marches, loin du tumulte de la vie citadine.
Nous ne sommes pas seuls!
La bonne nouvelle, depuis que l'on est au sud de la Galice, est que nous rencontrons d'autres bateaux de voyage. Nous sommes plusieurs voiliers à entreprendre le même périple, en suivant un itinéraire identique. Nous faisons connaissance et sympathisons, ce qui nous fait chaud au coeur. Partager son expérience, ses bons plans et ses coups de mou est une vraie richesse: nous nous sentons entourés et moins seuls qu'au début, car il n'était pas facile de vous quitter.
Par exemple, nous passons beaucoup de temps avec Khaïma, qui a traversé le Golfe de Gascogne au même moment que nous. Nous sommes plutôt synchro sur les escales, et nous filons des coups de main réguliers. C'est un plaisir de faire connaissance avec Aurélie, Laurent et leurs 3 enfants adolescents!
Nous rencontrons également deux équipages d'étudiants, dont la fraîcheur de la jeunesse nous rappelle nos années en école, il y a presque 10 ans maintenant:
- Nous avons croisé l'équipage de “Matelow-Tech”, 5 étudiants en école d'ingé à Grenoble, qui prennent une année de césure pour rencontrer des inventeurs de Low-Tech (en opposition à High-Tech, basés sur la technologie numérique), en vue de les rendre accessibles au plus grand nombre via une documentation open-source.
- Nous faisons connaissance avec “Hisse tes rêves”, deux jeunes filles de 21 ans, étudiantes en communication, qui réalisent une année de césure pour défendre le droit des femmes, en apportant un soutien à deux associations basées au Sénégal et en Haïti, qui défendent et soutiennent les femmes victimes de violence et de discrimination.
Cela a été l'occasion d'organiser un barbecue dans notre cockpit, un peu étroit pour l'occasion :D
Nous croisons également Maho et sa famille, qui naviguent depuis plus de 15 ans sur toutes les mers du globe, ainsi qu'une jeune famille nantaise et leurs trois enfants.
Nous devons vous laisser, car nous sommes justement 5 équipages à avoir rendez-vous dans un parc à Lisbonne pour un pique-nique convivial…Ainsi nous pouvons le dire: nous sommes très heureux, et tout va bien pour nous!
On espère que la météo déplorable en France ne vous mine pas trop le moral, et que vous attaquez ce mois d'octobre avec de beaux projets en tête. Portez-vous bien, à bientôt à Madère!