Gomera, la charmante
L'île de La Gomera est plutôt proche de Tenerife à vol d'oiseaux. Par la mer, il est nécessaire de contourner cette dernière avant de traverser. Il nous faut donc une grosse journée sur l'eau pour atteindre notre destination.
Chose peu commune, certainement due à de puissants "effets de site" (modification du vent ou du courant en fonction du relief), la navigation s'effectue au près du début à la fin, alors que nous faisons les 3/4 de la rose des vents!
Le départ est agréable: la navigation côtière est l'occasion de découvrir les recoins de Tenerife que nous n'avons pas explorés. Un autre bateau semble vouloir jouer avec nous: nous naviguons bord à bord, nous tirant la bourre grâce à des réglages fins.
Au sud de l'île, le vent forcit: nous prenons un ris, puis deux, et enroulons du génois. La lumière décline, c'est l'heure idéale pour pêcher. Nous nous délestons enfin du poulpe blanc, leurre peu efficace à l'usage, pour installer sur notre ligne un poulpe orange.
En 5 minutes, ça frétille! Nous ramenons à bord un thon rouge, exécuté proprement et sans douleurs par Kévin. Nous progressons, et sommes heureux d'avoir quelque chose à nous mettre sous la dent pour le dîner!
Malheureusement, nous perdons "encore" quelque chose à la mer: mon fameux livre de cuisine en mer! Il était calé dans une pochette, malheureusement pas assez fermée pour le retenir lors d'un puissant à-coup. Pour la transat, nous installerons un autre système pour caler nos affaires.
Cette navigation tire en longueur: nous arrivons avec soulagement et bonheur à 23h à La Gomera, dans le port de San Sébastian.
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"Vallées verdoyantes, splendides falaises, remarquables formations rocheuses"...ce qu'on a pu lire sur La Gomera n'a pu que nous convaincre d'y poser le pied.
Nous aurions voulu profiter des mouillages de cette île, mais la météo s'est montrée trop capricieuse.
Quel bonheur de retrouver une petite ville calme, sans trop de circulation! L'ambiance est détendue, les cafés en terrasse sympathiques.
La météo se gâtant dans quelques jours, nous nous hâtons d'explorer l'île. D'innombrables sentiers de randonnée et de points de vue nous appellent: luxuriante, l'île est sauvage et merveilleuse.
La succession de villages nichés au creux de vallées nous enchante.
Nous découvrons une végétation toujours plus généreuse et exotique. Que ça fait du bien de ressentir de l'humidité après un mois de sécheresse!
Le parc national de Garajonay nous réserve de belles surprises. Enveloppés par cette nature tentaculaire, nous faisons le plein de forêt avant de rejoindre la mer.
Kévin continue le trail - 25km cette fois-ci! - tandis que je profite du marché et des ruelles colorées de San Sébastian.
Le soir, nous croisons quelques hippies aux terrasses de café. Paraît-il que La Gomera est réputée pour l'accueil des hippies: un bon reportage Arte est à visionner ici.
Nous nous faisons virer au bout de 6 jours, car La Gomera accueille la Talisker Whiskey Atlantic Challenge, une compétition en aviron autour de l'Atlantique. Plus de 30 équipes s'affrontent pour parcourir les 3000 milles de La Gomera à Antigua & Barbuda aux Antilles…à voir leurs embarcations, on leur souhaite bon courage!
El Hierro, paradis de la plongée
El Hierro est la dernière île des Canaries sur laquelle nous prévoyons d'accoster.
Nous l'attendons avec impatience depuis notre arrivée dans l'archipel: très reculée, elle est réputée pour son rythme ralenti, la simplicité de la vie locale et son souci de l'environnement. La côte n'est pas déformée par des complexes hôteliers criards et l'île travaille sérieusement à son autonomie énergétique.
Elle est aussi connue des plongeurs pour ses fonds sous-marins d'une rare diversité: ce serait même le "meilleur spot de plongée d'Europe"!
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Après une navigation éprouvante, une fois de plus au près, avec une houle de face, à travers les grains, nous arrivons enfin au sud de l'île.
Nous débarquons de nuit au port de la Restinga, campement de base des clubs de plongée.
Le port est minuscule, seulement quelques bateaux de plaisance ont pu s'y amarrer. Deux coques jaunes se détachent du lot: ce sont des bateaux de baroudeurs français.
Ils ont élu domicile ici, les tarifs sont plus que concurrentiels et la vie est paisible. Les autres places au catway sont réparties entre les barques colorées des pêcheurs et les semi-rigides des clubs de plongée.
L'accueil sur l'île est excellent: les sourires sont francs, les gars du port discutent, nous invitent à prendre un café chez eux. On sent déjà la sereine quiétude des habitants.
Vincent, antillais d'origine, nous le dit, même: "J'ai navigué sur toutes les mers, je connais par coeur les Antilles, et vous ne trouverez pas mieux qu'ici...Il y a tout. Une bonne agriculture, de la nature, les gosses peuvent jouer toute la journée dans le village sans qu'on s'inquiète de quoi que ce soit...c'est le paradis. Vous allez voir, quand vous arriverez aux Antilles, l'accueil ne sera pas le même. Le racisme anti-blancs est encore très présent".
Ce n'est pas la première fois qu'on nous avertis de l'accueil mitigé - voire hostile - des locaux dans les Antilles Françaises, mais nous le constaterons par nous mêmes si c'est le cas!
Dès que nous posons le pied par terre, toute fatigue et lassitude liée à une longue navigation au près s'évanouissent. Nous avons besoin d'évacuer la tension des dernières heures, reconnecter avec la terre. Nous ressentons un léger mal de terre: quelques pas sur la terre ferme et une cana en terrasse nous détendent avant de nous endormir comme des souches.
Le lendemain, nous découvrons une île de nature volcanique, avec cette roche noire typique des Canaries.
La végétation y est plus généreuse qu'à Lanzarote, en revanche.
Les merveilles de l'océan
Un pizzaïolo de Lanzarote nous avait conseillé le centre "Meridiano Cero", fondé par un couple franco-belge. Cela fait plus d'un mois qu'ils nous attendent pour démarrer un stage de plongée sous-marine.
Kévin a déjà un niveau 1 français: il passera l'Advanced de PADI (organisme international), tandis que je passerai le niveau 1 français.
La découverte d'une nouvelle discipline nous fait beaucoup de bien: nous concentrer sur l'apprentissage d'une activité est enrichissant et stimulant.
Avec quelques fondamentaux théoriques sur la pression, la flottabilité, nous partons dans le port pour notre première plongée. Avec le Covid, nous avons la chance d'avoir un cours particulier, les clients se faisant plus rares.
Si plonger dans le port n'est pas l'option la plus séduisante de prime abord, c'était sans compter sur la clarté et la richesse des fonds! Nous rencontrons une tortue et une raie dès nos premières minutes sous l'eau!
J'apprends à installer le matériel, le contrôler, décompresser, vider mon masque, récupérer mon détendeur s'il m'échappe, prendre de l'air chez l'autre si besoin, communiquer sous l'eau, tandis que Kévin évolue avec Céline quelques mètres en dessous de moi.
Peu rassurée au début par ce sport qualifié "d'extrême", je comprends que les accidents sont dus à des erreurs humaines. Si je suis Claude, mon instructeur, tout ira donc bien!
Les deux jours suivants, nous embarquons avec le semi-rigide pour rejoindre à pleine vitesse la réserve naturelle de Mar de las Calmas. Là, nous entrons dans le temple de la plongée sous-marine du coin.
La préparation de la plongée est quelque peu solennelle pour moi, et il faut débrancher son cerveau pour quitter le zodiac en se penchant en arrière, lestée par la bouteille de plongée.
Mes deux premières plongées à 20m sont magnifiques...un nouveau monde s'ouvre à nous. Celui de la vie sous la mer, où les poissons évoluent dans leur milieu naturel, tous plus colorés les uns que les autres.
C'est un plaisir d'apprendre à les distinguer: sars, carangues, mérous, murènes, demoiselles, raies, rascasses, poissons trompette, perroquets...nous nous invitons dans leur monde, en nous déplaçant lentement, sans mouvement brusque, en apesanteur.
Au cours des deux dernières matinées, j'apprends peu à peu à me détendre, à gérer ma flottabilité et à comprendre que la plongée est une invitation à admirer la vie sous-marine.
Nous écarquillons les yeux et nous immergeons sans retenue dans ce bleu hypnotique, en quête de rencontres avec la vie subaquatique. Nous croisons poulpes, étoiles de mer, langoustes et évoluons sur des coulées de lave et des cavités intérieures, nous offrant d'éblouissants jeux de lumière. La palette de bleu se décline à l'infini.
Contempler plutôt qu'agir, cela demande du temps. La plongée est une invitation à l'abandon: elle lave de tout. Quand on plonge, on oublie ce qui nous attend là-haut On est concentré, solidaire de la palanquée, et on prend une décharge de beauté plein les yeux.
Lorsque l'esprit s'emballe, lorsqu'il envisage la rupture d'air, la noyage, l'accident de décompression, il est grand temps de reprendre les rênes de ce mental désordonné: contrôler ce qui doit être contrôlé, rationaliser au lieu de se laisser emballer par des fantasmes qui n'ont pas lieu d'être. En somme, la plongée est une excellente école de sang-froid, de confiance en soi et en l'autre. Elle est très complémentaire de la voile.
Vie de village à la Restinga
L'avantage du stage de plongée, est que nous pouvons rester quelques jours à La Restinga, pour une fois de plus vivre au rythme de la vie locale.
Le village français se recompose: un soir, nous dînons à bord de Khaïma avec les monos de plongée, un autre soir, nous fêtons dans une pizzéria l'anniversaire d'un des MateLowTech puis partons danser sur la plage, une autre fois, nous filons au bar local puis atterrissons dans un restau de poissons grillés...La spontanéité du planning n'enlève rien à sa richesse: simplement, nous nous laissons guider.
Ainsi se déroule la vie à La Restinga: étirée, apaisante...idyllique. On croirait presque à un mirage, tant l'esprit est ancré dans l'instant, loin de tout stress et de tout environnement pressurisant.
L'ombre au tableau
A plusieurs reprises, nous entendons les Pan-Pan à la VHF, lors de nos navigations entre les îles des Canaries. Des barques de migrants débarquent régulièrement sur l'une des îles, fuyant l'absence d'avenir dans leur propre pays.
Les savoir pas loin est étrange: les reportages télé et les histoires racontés dans les journeaux prennent vie.
En entendre parler est une chose, les voir en est une autre: à La Restinga, nous avons vu à deux reprises des migrants débarquer sur le ponton, visiblement harassés par une traversée de plusieurs jours à bord d'une coque de bois décolorée.
A peine arrivés, ils sont pris en charge par la Croix-Rouge, après un test Covid, et sont ensuite dispatchés sur l'une des îles de l'archipel. Le Covid aurait accéléré l'exil: c'est presque tous les jours que des embarcations sommaires débarquent! Et encore, nous ne voyons que celles qui sont parvenues à destination...
Loin de toute considération politique, avoir à quelques mètres de soi ces femmes, ces enfants et ces hommes contraints d'avoir abandonné leur pays au péril de leur vie, est une expérience dérangeante: nous nous sentons extrêmement privilégiés, et plein d'empathie pour ces personnes dont nous croisons le regard, nées sous des cieux moins cléments.
Préparation pour le Cap-Vert
Tandis que beaucoup de voiliers prennent la direction des Caraïbes, nous nous préparons à faire escale au Cap-Vert. Pour une transatlantique, la route classique est de passer à 200 milles du Cap-Vert. Autant s'y arrêter pour découvrir ces îles enchanteresses, bercées par la musique et les saveurs d'Afrique.
Paraît-il que c'est l'escale la plus dépaysante d'un tour de l'Atlantique...
Nous comptons passer Noël et le Nouvel-An là-bas, pour traverser l'océan début janvier.
Qui dit préparation dit logistique: cette traversée de 5-6 jours est la plus longue que nous ayons jamais faite. C'est un galop d'essai pour la transatlantique: 1/4 du parcours aura été effectué.
Pour une longue traversée, nous prévoyons un avitaillement minutieux, une autonomie et un rationnement en eau, des playlists, podcasts et livres en abondance, une vérification de la pharmacie de bord, et une révision des règles de sécurité et de survie.
Nous activons également l'Iridium, ce téléphone satellite qui nous permettra de prendre des fichiers météo à intervalles réguliers. Nous transmettons également nos fiches médicales au CCMM - les médecins du large basés à Toulouse - et une déclaration de traversée au CROSS Gris-Nez, au cas où les secours soient déclenchés.
Lavage intégral du bateau, lessive, rangement au peigne fin...l'organisation est rodée. Elle est gage d'une traversée réussie, en pleine sécurité! Nous aurons une fois de plus la chance de traverser en flotille, accompagnés de Khaïma, Kerwatt (les MatelowTech) et Yapluka (les filles du projets Hisse tes rêves).
Même si la portée de notre VHF est très limitée - réduisant la possibilité de faire des quizz et autres blagues d'un goût douteux à la radio - nous sommes contents de traverser en même temps que nos amis.
En attendant, nous profitons du cadeau d'anniversaire que j'ai offert à Kévin pour nous ressourcer: les casitas d'El Sitio sont un havre de paix, d'inspiration et de tranquillité pour recharger les batteries avant le départ!
Nous vous laissons, il nous reste encore plein de choses à préparer...
La communication sera certainement sporadique au Cap-Vert, nous vous donnerons des nouvelles dès que nous aurons accès à un wifi. Fini le réseau européen et la 4G!
C'est une plongée encore plus profonde dans le voyage...
Prenez soin de vous, à bientôt!
Et en bonus pour les fêtes de fin d'année, la première vidéo de notre voyage montée par Kévin! Mettez le son, et embarquez à nos côtés: