Il y a une dizaine de jours, nous étions aux îles Scilly, au large des Cornouailles anglaises. C'était il y a peu de temps, et pourtant, cela nous paraît déjà loin.
La navigation au large a pour vertu de créer une distanciation naturelle avec les découvertes et les émotions qu'elles ont suscitées, dans un long processus de digestion. Le voyage en bateau est d'une lente intensité, ce qui présente l'intérêt d'éviter tout enchaînement trop rapide des escales, dont le risque serait de créer une certaine lassitude. “Cette plage de sable blanc est pas mal, mais l'autre était mieux”, “Encore des dauphins”, “Du bleu, du bleu, toujours du bleu, que c'est monotone” pourraient être les phrases du voyageur frénétique qui perd le goût de l'émerveillement, tant la succession de visites, découvertes et déambulations sur plusieurs semaines finit par ternir le goût et l'appétit de découverte. En reléguant une escale au rang de souvenir grâce à une transition en mer, nous retrouvons cette impatience de poser le pied sur la terre ferme, d'en apprécier les charmes et les particularités.
Les Scilly, un archipel qui vaut le détour
J'ai beaucoup entendu parler des îles Scilly par le passé - baptisées de façon moins élégantes “Sorlingues” en français- dont les mouillages n'ont, paraît-il, rien à envier à l'archipel des Glénan. Si j'étais bien sûr circonspecte sur la possibilité qu'existe sous nos latitudes un autre archipel digne de rivaliser avec mes îles préférées ;), j'étais aussi curieuse de découvrir ce à quoi les Scilly tenaient leur réputation.
Je n'ai pas été déçue: les mouillages sont magnifiques, voire paradisiaques, lorsque l'eau se révèle cristalline dès que le vent s'adoucit. En revanche, force est de constater que les deux archipels ne sont tout simplement pas comparables! L'archipel des Glénan est bien plus petit et inhospitalier - il n'y a que quelques habitants l'été sur l'île de Saint-Nicolas ainsi que l'association Les Glénans implantée sur les îles de Drenec, Penfret et Bananec, tandis qu'aux Scilly, il existe une vraie vie économique, et une diversité bien plus grande du fait de sa taille. Plus de 2000 habitants y vivent à l'année.
Au-delà de l'île principale, Sainte-Mary, et de Saint-Martins, la plus sauvage parmi celles que nous avons visitées, c'est bien pour Tresco que nous avons eu un coup de coeur. Les îles sont variées, mais ont pour dénominateur commun d'être accueillantes, sauvages et préservées.
Tresco est un lieu de villégiature, réputé pour ses plages de sable blanc, son eau turquoise, ses cafés avec vue sur mer, ainsi qu'un jardin subtropical dans lequel nous nous sommes attardés une bonne demie-journée.
C'est une destination que nous gardons en tête pour nos prochaines vacances. Nous vous la recommandons chaudement pour un séjour en famille ou entre amis. De charmants cottages sont à louer, l'absence de voitures est apaisante pour l'esprit, les plages sont belles, la randonnée charmante et il y a plusieurs lieux qui valent le détour. L'esprit bon-enfant de l'île se manifeste par les nombreux points de vente des fruits et légumes cultivés dans son jardin ou par les maraîchers du coin, l'omniprésence du vélo et l'absence de cadenas pour les attacher, les discussions naturelles qui naissent sur la plage entre les vacanciers, comme si nous étions tous cousins éloignés.
C'est une île accueillante, charmante, dotée d'une nature luxuriante.
En nous dirigeant vers le jardin botanique Tresco Abbey Garden, nous nous demandions si nous n'étions pas déjà arrivés dans le jardin sans le savoir, tant les arbres et les plantes redoublaient de diversité et de couleurs chatoyantes.
Le Tresco Abbey Garden est un jardin botanique subtropical tenu par la même famille depuis 5 générations. En dépit des tempêtes qui ont endommagé à plusieurs reprises la végétation de l'île, c'est inlassablement qu'ont été replantées fleurs, plantes, arbres exotiques, potager et arbres fruitiers, laissant planer une nature généreuse, propice à la rêverie. Le microclimat de l'île favorise la croissance de plantes méditerranéennes ou de contrées encore plus lointaines (Afrique du Sud, Colombie, Australie…), protégées des vents par une ceinture végétale.
L'application PlantNet nous a bien aidés à mettre un nom sur ces fleurs dont les formes et les couleurs redoublaient de perfection et d'originalité! Le musée abrite une étonnante collection de figures de proue, suite aux nombreux naufrages de navires au cours des siècles passés.
Nous avions l'impression de déambuler dans le jardin d'Eden, tant la nature impressionne par son abondance et sa capacité à nous faire voyager. S'il est tentant de tout plaquer pour devenir maraîcher dans ce petit paradis, c'est inspirés que nous repartons des jardins, happés par la nature en croissance capable de nous alimenter. Cela donne vraiment envie de cultiver son potager!
Après quatre jours au mouillage à profiter de ces îles reculées, nous nous sommes préparés à revenir en France. Impatients de croquer dans une baguette fraîche et de retrouver de bons fruits et légumes non suremballés, nous avons soigneusement peaufiné la navigation, cette fois-ci moins anxieux d'une nav' de nuit à deux.
Retour en Bretagne: 110 milles / 20h de nav'
Enfin une navigation au portant! Après avoir longé la côte anglaise au près, ce qui fait gîter le bateau, nous savourons notre première navigation à plat. C'est un bon aperçu du voyage à cette allure-là, comme se déroulera la Transatlantique dans quelques mois. Le bateau est stable, pas trop rouleur, le pilote auto fiable, nous sommes confiants et détendus.
Nous nous sommes laissés glisser sur le même bord jusqu'à l'Aber-Wrac'h, en passant le rail de cargos de nuit, sous un gros nuage noir. Cette situation stressante s'est ajoutée à une forte houle, comme les prévisions nous l'annonçaient, et ont eu raison de ma résistance. J'ai été malade en mer, épuisée de n'avoir pas dormi, saisie par l'appréhension d'une situation à gérer de nuit à ma prise de quart.
Heureusement, la résistance physique de Kévin nous a bien aidés à retrouver les côtes françaises de jour: il m'a relayé plus vite que prévu afin que je dorme un peu.
La règle des 5 F, à l'origine du mal de mer: le Froid, la Faim, la Fatigue, la Frousse, la Foif
Nous avons atterri à l'Aber-Wrac'h vers 10h du matin, en quête d'un café-croissant pour nous remettre de notre veille prolongée. A la place, nous sommes tombés sur une crêperie, qui nous a permis de transformer notre petit-déjeuner en un brunch réconfortant. Deux jours d'escale dans cet Aber (qui veut dire “estuaire” en français) nous ont permis de recharger les batteries, de longer la rivière dans laquelle nous avons découvert des mouillages attrayants et de retrouver des copains.
Pour continuer à nous entraîner aux longues nav' à deux, nous avons visé une arrivée à Port-La-Forêt dans les meilleurs délais. L'idée était aussi d'arriver le plus tôt au chantier, pour faire inspecter le bateau suite à notre talonnage dans la Helford River. Quelle joie de retrouver la splendeur de nos côtes!
Passer le Chenal du Four, le Raz de Sein, bénéficier des courants favorables et admirer la côte escarpée, ponctuée de phares, de falaises, de verdure et de plages de sable blanc nous ont fait nous sentir vraiment chez nous. Près du Raz de Sein, des oiseaux ont attiré notre attention: longilignes et gracieux, nous les voyions plonger à pic dans les vagues. Grâce à notre petit guide des oiseaux marins, nous avons pu les identifier: ce sont des fous de Bassan! Ils sont reconnaissables grâce à leur comportement quand ils pêchent, à leur long bec gris, et à leurs ailes noires qui se détachent de leur corps blanc. Fous de Bassan, cormorans, mouettes et goélands nous ont escortés jusqu'à notre arrivée en Baie de Port-La-Forêt, tout comme des hordes de dauphins ont joué à plusieurs reprises avec la coque de notre navire. Cette compagnie, on ne s'en lasse pas: c'est à chaque fois un émerveillement total que l'on ressent face à la beauté de ces animaux marins que l'on apprend à reconnaître, sans cesser de les admirer.
Tout est bien qui finit bien
Bien amarrés au ponton de Port-La-Forêt, entourés des plus grands voiliers de course au large, nous avons contacté le chantier nautique afin de faire inspecter les varangues, suite à notre talonnage. Heureuse surprise: le bateau n'a rien. Les quelques fissures de gel coat étaient bien présentes avant, nous pouvons partir en sécurité pour notre tour de l'Atlantique! Quel soulagement d'apprendre que notre bateau peut rester à l'eau: nous sommes donc libres comme l'air de notre planning, et prêts à continuer petits travaux et aménagements en vue du grand départ vers l'Espagne fin août. Nous prenons un peu de repos à Fouesnant, où Pauline a une maison, ce qui est l'occasion d'alléger le bateau du trop-plein de choses emportées, d'un grand lavage de printemps, et de réparations petites et grandes. Refaire l'étanchéité des hublots, refaire les joints des sièges du cockpit, trouver et réparer l'anomalie sur l'antenne VHF défaillante, graisser la chaîne de barre…nous revoilà plongés dans une “to-do list” que nous espérons écrémer assez rapidement.
Et l'Ecosse, alors?
Vous aurez peut-être remarqué en consultant notre itinéraire que nous avons déjà activé l'option B à la pointe des Cornouailles anglaises. Nous ne nous sommes pas dirigés vers le Nord pour aller en Ecosse comme nous l'avions prévu, mais avons opté pour une route vers le Sud. Si l'Ecosse faisait partie de nos destinations de prédilection, nous avons réalisé que la navigation pour nous y rendre serait bien trop longue. Nous préférons prendre le temps de faire des escales dans les endroits que nous visitons, plus que d'enchaîner des longues nav' en voyant la côte de loin sans nous arrêter. Ce sera pour une prochaine fois. Et il ne faut pas se mentir, aller vers la chaleur sera aussi apprécié.
Nous sommes en train de trier les photos de notre séjour en Angleterre, vous les retrouverez prochainement dans l'onglet “Galeries”!