Quand tu as planifié 3 heures, et que ça te prend 5 jours…
Nous sommes partis le vendredi 10 juillet de Dunkerque. Nous avions planifié de quitter notre port d'attache le 5 juillet, initialement. La faute à qui? Aux panneaux solaires! La pose des panneaux solaires est réputée être aussi simple qu'un assemblage de Lego. Mais ça, c'est en théorie…
En effet, si la pose du portique et des panneaux a été un jeu d'enfants, la stabilisation de l'ensemble nous a donné du fil à retordre! Le portique est assez haut - le but était d'éviter qu'il gêne l'action du pataras (un câble qui tire le mât vers l'arrière, attaché sur la jupe arrière) - mais par conséquent branlant. Il a donc fallu l'immobiliser, pour qu'il ne vibre pas et qu'il soit stable en navigation. Avec l'aide méthodologique des techniciens de Bleu Marine, Kévin s'est lancé dans l'installation de jambes de forces et de câbles. Pour cela, il a fallu couper deux barres en inox, ajouter une attache pour les relier au portique, percer la coque pour y installer de nouvelles cadènes…le tout en se glissant dans un coffre arrière, se contorsionnant sous les drosses de la barre, la tête en arrière, les jambes en l'air, sous la pluie…
Kévin a tenu bon, et a vaillamment réussi à installer ces jambes de force, en les complétant de câbles et d'un renfort en bout Dynema - ultra-résistants.
Nous sommes enchantés par le raccordement des panneaux solaires, qui nous donnent beaucoup d'autonomie et de confort pour notre quotidien! Par exemple, nous laissons le réfrigérateur allumé en navigation, ce qui d'habitude n'arrive jamais…
Eloge de la patience
Pendant que Kévin se débattait avec les panneaux solaires, je continuais à aménager le bateau, relaver la coque (vaine opération vu l'étendue du tas de sable noir soulevé par le vent…), à faire l'inventaire de la volumineuse pharmacie, tout en apportant un coup de main à Kévin lorsqu'il avait besoin d'un ouvrier obéissant bien qu'incompétent. Cela dit, la patience n'étant pas mon fort, il a vite fallu trouver une parade. Pressée de partir, attendre dans le bateau pour soutenir Kévin moralement n'était pas l'idée du siècle. Lassé de mes incessants “Quand penses-tu avoir fini?", nous avons convenu qu'il valait mieux que je profite des richesses culturelles de Dunkerque pour le laisser travailler en paix. Au-delà d'une certaine culpabilité liée au fait qu'il travaillait dur alors que j'allais passer de bons moments dans un musée au chaud, cette opération fut un succès.
Je suis allée visiter le Musée Portuaire de Dunkerque, qui retrace l'histoire de la ville depuis Louis XIV. Dunkerque est une ville passionnante d'un point de vue historique, tant elle a été convoitée par les Anglais, les Espagnols et les Néerlandais, tout en étant quelque peu handicapée par les nombreux bancs de sable obstruant son accès. Tournée vers la mer, elle a connu l'essor de la marine, des expéditions royales avec le Corsaire Jean Bart, de la pêche, du commerce international et du tourisme transmanche. Dunkerque, c'est aussi une ville marquée par le fameux “Spirit of Dunkirk”, né pendant l'opération Dynamo, qualifiant l'esprit de résistance et de courage des forces alliées pour évacuer les soldats français et britanniques coincés dans une poche en 1940. C'était aussi bien passionnant que très vivant, car deux navires amarrés en face du musée font partie de la visite: le bateau-phare “Sandettié” et le bateau-école la Duchesse Anne, navire allemand passé sous pavillon français en 1946.
Heureusement, mes différentes visites de musée ont laissé le champ libre à Kévin pour qu'il vienne à bout des panneaux solaires récalcitrants!
Après avoir profité d'une dernière nuit chez la marraine de Kévin, où, il ne faut pas se mentir, un lit chaud et stable, une bonne douche et un bon repas partagé rechargeaient nos batteries, nous avons définitivement pris nos quartiers dans le bateau, et avons souhaité nous détendre et nous reposer avant de partir. Nous avons donc quitté vendredi le ponton en face du Uship pour nous amarrer au port du Grand Large. De nombreux navires belges et néerlandais s'y trouvaient, ce qui a été l'occasion de premiers échanges intéressants. Une crêpe sur la plage et une visite du musée Dynamo plus tard, nous hissions les voiles, enfin!
Des premières navigations bien agréables
La veille du départ, nous avons travaillé tard pour fixer les derniers éléments de sécurité, faire des vérifications indispensables, nous préparer à prendre la mer.
Heureusement, le retour du soleil nous a permis de nous immerger dans les vacances en apportant beaucoup de douceur à notre quotidien.
Nous avons largué les amarres avec une joie non dissimulée, trop heureux de démarrer notre périple et d'aller chercher un peu de nouveauté ailleurs.
C'est donc vers Calais que nous nous sommes dirigés, longeant la côté dunkerkoise quelque peu défigurée par les 17km du port de commerce et des usines gigantesques crachant des volutes de fumée. Pas encore échauffés, nous avons privilégié le vent sur le courant, si bien que nous avons avancé assez lentement jusqu'à Calais. Nous avons passé la nuit à une bouée devant l'écluse, en attendant son ouverture le lendemain. Merci à Xoto et Cendy d'être venus jusqu'à nous dimanche - après notre arrivée trop tardive samedi! Je tenais absolument à visiter Calais, après avoir travaillé pendant un an et demi à 15 minutes, sans jamais y avoir mis les pieds…!
Nous y avons découvert une ville aérée, verte, dotée d'un impressionnant beffroi sur l'hôtel de ville et de quelques bâtiments remarquables. Nous avons souhaité prendre un peu de hauteur en visitant le phare de Calais et n'avons pas eu assez de temps pour visiter le musée de la Dentelle et de la Mode. Bien sûr, nous sommes allés sur la plage admirer l'impressionnant Dragon de Calais, attraction culturelle et touristique lancée l'année dernière sur le modèle des Machines de Nantes. Une balade sur la plage a clos la journée, joyeusement entourés de nos deux nouveaux équipiers Claudie et Adrien.
La deuxième journée de navigation a été un plaisir à l'état pur, tant les conditions étaient idéales et la côte d'Opale magnifique. Longer la côte a été une manière pour moi de dire au-revoir à cette région au sein de laquelle nous avons développé beaucoup de liens!
De la planification à l'instant présent
Cela fait un an et deux mois que nous préparons ce projet. Autant dire que nous avons vécu dans la projection de ce voyage, en l'imaginant, en le rêvant et surtout en l'organisant. Notre tableau Excel s'est enrichi au cours de l'année de 28 onglets, répartis entre les prévisions budgétaires, la liste des travaux, le matériel nécessaire, les rétroplannings macro et détaillés, les formalités à faire…si bien que nous sommes maintenant des pro de l'organisation! C'est grâce à cette anticipation que nous avons réussi à partir à temps, et c'est une grande satisfaction pour nous. Maintenant que le voyage démarre, nous sommes invités à quitter cet état d'esprit projectif pour nous ancrer dans l'expérience. Relâcher la tension et la pression des travaux, trouver notre rythme à deux, nous poser et nous reposer lors des escales, découvrir les endroits dans lesquels nous nous arrêtons…tout cela fait partie de l'entrée dans le voyage, et nous avons besoin d'un peu de temps pour nous ‘"mettre dedans". Savourer l’instant présent, profiter des petites nav' pour nous faire la main, cesser d'anticiper les plus longues traversées que nous appréhendons: vivre au jour le jour est notre nouvelle priorité!
L'arrivée de Claudie et Adrien à bord est une excellente occasion de nous plonger dans le rythme d'une croisière amicale. Cela nous permet de davantage nous reposer aussi - car nous avons un relais pour les navigations et la logistique. Ce qui n'est pas désagréable non plus…;)